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Pistes de réflexion sur le thème d’année : « Ma grâce te suffit » (2 Co 12, 9)

 

Un pèlerinage sur les chemins de l'abandon

 

Dans son poème « L’abandon est le fruit délicieux de l’Amour » (PN 52), Ste Thérèse de Lisieux montre un chemin de vie qui conduit dans les bras du Christ. Notamment dans l’Eucharistie, l’Amour se donne à la créature dans un don perpétuel que nul ne peut arrêter. Dans notre quotidien, il est vrai que nous ne le ressentons pas toujours mais la sainte carmélite nous invite à mettre notre confiance en Dieu, de telle sorte que nous ayons la paix en nos cœurs. Ces images enfantines de l’âme qui repose dans les bras de son père ou de sa mère, comment peuvent-elles servir aux adultes que nous sommes aujourd’hui, en poste de responsabilité dans nos familles et dans la société ?

 

St Paul a raconté qu’une étape charnière de sa vie de croyant a été franchie en entendant cette parole du Christ : « Ma grâce te suffit » (2 Co 12, 9). Cette phrase est comme un couperet définitif de la part de celui qui a promis d’être « avec nous pour toujours jusqu’à la fin des temps » (Mt 28, 20) : nous n’avons pas à nous inquiéter ! Cela nous rejoint dans notre capacité à lui rester fidèle (nous restons des pécheurs), dans notre mission d’évangéliser (sans lui, nous ne pouvons rien faire), mais aussi dans notre manière de regarder l’avenir (c’est lui le maître de l’Histoire). Dieu veut que nous gardions la paix parce que sa grâce est suffisamment puissante et englobante : rien ne peut nous séparer de son Amour (Cf. Rm 8, 38).

 

La présence de Dieu au cœur de notre fragilité

 

Dans les méandres de sa propre vie, Saint-Paul découvre une vérité fondamentale : la présence de Dieu au cœur même de la souffrance et de la fragilité. Comme lui, nous sommes appelés à plonger au plus profond de notre être, à accepter notre propre fragilité et à reconnaître notre impuissance. C'est dans cet humble abandon que nous ouvrons la porte à la grâce divine. Nous ne sommes pas seuls dans nos luttes ; au contraire, Dieu est mystérieusement présent dans chaque faiblesse que nous portons. En acceptant nos limites, nous découvrons qu'elles deviennent des lieux de transformation et d'élévation spirituelle, une occasion d’aller plus loin vers Dieu.

 

Si l’on regarde le contexte immédiat de la citation « Ma grâce te suffit » (2 Co 12, 9), nous voyons qu’il est question de la fierté d’être chrétien. Pour éviter que l’on confonde fierté (légitime) et orgueil (péché), St Paul témoigne de sa propre difficulté : une « écharde » sans sa chair – nous ne savons pas de quoi il s’agit, nous pouvons penser qu’il s’agit d’un péché récurrent contre lequel il se bat sans victoire définitive. St Paul demande au Seigneur avec persévérance d’en être délivré, mais Jésus lui répond : « Ma grâce te suffit parce que la puissance se déploie dans la faiblesse […] car lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort » (9-10). Comme Paul, il est difficile d’être fiers d’être chrétiens quand nous savons pertinemment que nous nous éloignons de Dieu à cause du péché. Mais lorsque nous reconnaissons que Dieu permet notre faiblesse pour déployer en nous la puissance de sa miséricorde, nous pouvons entrer dans une confiance plus grande en lui.

 

Cette prise de conscience dans la vie de St Paul nous inspire à faire de même, à offrir nos fragilités à Dieu comme des offrandes sacrées. Nous aurions préféré n’offrir que les réussites ? Nous pouvons les offrir bien sûr, mais nous sommes invités à présenter aussi notre côté moins glorieux : on le remet à Dieu, on lui offre notre impuissance et notre difficulté, on lui dit que nous acceptons qu’il fasse son œuvre malgré cette défaillance de notre part. Une telle confiance devient un acte d'abandon, un chemin vers la grâce qui transcende nos faiblesses pour les transformer en forces. C'est tout particulièrement dans notre vulnérabilité que Dieu trouve un espace pour manifester sa puissance.

 

Questions pour la réflexion personnelle :

Suis-je lucide sur mes difficultés ? mes lieux de chute ? mes faiblesses ?

Est-ce que je pense à remercier Dieu pour telle faiblesse (non pas en tant que telle mais comme occasion d’aller plus loin) ?

 

Auprès de Jésus, repos et bénédiction

 

Sur les traces des saints, nous nous tournons vers Jésus pour trouver la paix du cœur. L’enseignement de l’abandon est une invitation à déposer nos fardeaux aux pieds de Celui qui pourvoit à tous nos besoins. La douceur et la tendresse de Dieu pour ses serviteurs se manifestent dans sa promesse de ne jamais nous abandonner. C'est un appel à placer notre confiance en Lui, à agir avec foi, sachant que sa grâce nous suffit.

 

Ce qui est valable pour nous-même l’est aussi pour les autres. En effet, et c’est une expérience forte dans un pélé, non seulement nous portons notre fardeau mais nous pouvons aider notre frère ou notre sœur à côté de nous à porter le sien. Cette fraternité trouve son fondement dans l’incarnation même de Dieu : Jésus prend nos péchés sur lui ! Notre soutien mutuel est un signe de la douceur et de la tendresse de Dieu ; plus encore, il est une participation à l’amour miséricordieux du Christ compatissant. N’oublions pas que lorsque l’on donne un verre d’eau fraîche à l’un de nos frères, c’est à Jésus lui-même que ce geste est porté (cf. Mt 10, 42).

 

Une des pistes pour grandir en abandon auprès du Christ est d’avoir des paroles de bénédiction et de louange à notre bouche. Au contraire, il est évident que celui qui râle en permanence ou bien relève toujours le négatif (en plus d’être pénible pour les autres !) a du mal à s’abandonner. Pour réussir à poursuivre sa route sur les chemins de la Providence, la bénédiction et la louange sont une aide précieuse : je vais regarder Dieu en premier, au lieu de me regarder moi, je vais affirmer la bonté et la vérité de son action éternelle, au lieu d’affirmer ce qui est limité, je vais tourner mon cœur vers ce qui est grand et me dépasse, au lieu de me replier sur moi-même. Ce n’est pas une forme de méthode Coué, mais c’est un regard vrai sur ma réalité telle que Dieu la voit ; ce regard élève et apaise.

 

Questions pour la réflexion personnelle :

La bénédiction habite-t-elle ma vie ?

Est-ce que je prends du temps pour être auprès de Jésus sans rien faire d’autre ?

 

La confiance n’est pas une paresse

 

Il est crucial de comprendre que la confiance en Dieu n'est pas synonyme d'inaction. Abandonner nos fardeaux à Dieu n'est pas une excuse pour rester passifs, mais plutôt une source d'inspiration pour agir avec confiance et foi. Il ne s'agit pas seulement de ne rien faire, ce qui serait du quiétisme et du fidéisme, mais de s'engager activement dans le monde avec la certitude que la grâce divine guide nos pas. Marie et Joseph ont merveilleusement vécu cet abandon sans négliger leurs devoirs.

 

L'abandon à la volonté de Dieu ne nous rend pas passifs, mais dynamiques. C'est un appel à être des acteurs engagés dans le monde, portant la lumière de la confiance et de la foi. C'est une invitation à œuvrer avec zèle, sachant que Dieu est avec nous à chaque étape. La confiance en la grâce de Dieu n'est pas une excuse pour l'inaction, mais plutôt une invitation au discernement. Le discernement est une œuvre de l’Esprit : qu’est-ce que je peux faire pour plaire au Seigneur ? Quelle est sa volonté ? Pour répondre à ces questions, je peux chercher dans la Parole de Dieu, je peux poser une question à quelqu’un de plus avancé que moi dans la vie ou la foi, je peux ouvrir mon cœur à un avis qui serait différent du mien. Celui qui fait confiance en Dieu, dit St Paul, tout dans sa vie va trouver une réponse, dans un délai que Dieu seul connait : « Tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu » (Rm 8, 28). Cette réponse peut être une solution, une guérison, mais aussi un silence, une invitation à offrir une situation en attente.

 

Questions pour la réflexion personnelle :

Certains sujets dans ma vie sont-ils abandonnés à Dieu par paresse ?

Comment est-ce que je remets mon discernement entre les mains de Dieu ?

 

Conclusion

 

Que ce pèlerinage devienne une danse gracieuse entre notre humanité fragile et la grâce infinie de Dieu qui transforme tout.

Avançons avec confiance !

                                                                                                                                                         

                                                                                                                                                           Frère Vincent Laguarigue de Survilliers, recteur

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